Jajrud

Jajrud est un petit village dont la principale attraction est une gare routière entre l'ouest de Teheran, et le grand ouest. Je  regarde mélancoliquement les bus qui vont faire en quelques heures ce qui me prendra des semaines de marche. Mais vivront-ils mes aventures ?

Devant les bus, où s'agglutinent de nombreux voyageurs chargés et des touristes qui ne me remarquent même pas tant vos kilomètres m'ont peint de la couleur locale de tous les pays, un chiffonnier ambulant vend de bien pauvres choses, comme des pots vides ou des peignes aux dents cassées.

The beautiful walk : 5 352,20 km

Au lieu d'acheter, je donne mon fer à cheval  à l'homme qui est particulièrement touché de mon cadeau. En retour, il me donne une vieille boite poussiéreuse  qu'il a trouvé par terre... Pas grand chose, pensais je/ Mais quand je l'poussette sur le chemin, je découvre un travail de marquetterie remarquable. Le fer à cheval et ma générosité m'auraient ils porté bonheur ??

Khojir National Park

La métropole de Teheran stoppe brutalement pour s'ouvrir vers le désert...pas n'importe quel désert : la zone aride et abandonnée du Khojir National Park, une immense étendue où la chasse, la construction et les voitures sont interdites, et où prospèrent de nombreuses espèces...rapidement, et même si je suis en plein désert de roches, des nuées d'oiseaux colorés s'envolent sur mon passage. Je me félicite d'avoir prévu une longue marche, et, alors que le soir tombe, je dresse un camp.

J'observe les étoiles poindre dans le ciel quand...face à moi...deux yeux brillants. Un léopard.

The beautiful walk : 5 337,18 km

Je me léve et j'hurle à plain poumons, ce qui repousse un peu le léopard qui tente de me griffer quand même et me lacère d'une belle estafilade sur le ventre. Je saigne mais je ne me laisse pas abattre et je lui lance des cailloux. L'animal bat en retraite .... Et me laisse le coeur battant pas mécontent d'être encore en vie !

Teheran

Après avoir vécu si longtemps la solitude et le silence du désert, Téhéran m'apparaît comme inimaginable : 13 millions d'habitants qui se pressent autour de gigantesques avenues comme la Vali-ye-Asr qui fait 18 kilomètres ! Une vie entière ne pourrait pas circonscrire les aventures que je pourrais mener ici. Et pourtant il va vous falloir faire une petite halte avant de reprendre la route, car tant de pays m'attendent !

Par quoi vais je me laisser tenter ?

The beautiful walk : 5 322,30 km

- Par la spécialité gastronomique de la ville
Je tente de repérer la gargotte la plus typique de la ville le long de l'avenue Vali-ye-asr et je demande la spécialité, qui se trouve être le Kaleh Pâchech. On me sert après un peu d'attente une tête de mouton et ses abats dans une sorte de ragoût bizarre.... Bon, je le mange, mais ..... ce n'est pas parfaitement à mon goût. Au moins c'est typique....

Ghazali Cinema Town

Je pénètre dans la grande banlieue de la capitale, Teheran, enchâssée dans les montagnes. Bizarrement, pas de voitures. Des routes pavées et des bâtiments assez anciens d'architectures, mais quasi-neufs : un véritable voyage dans le temps. Je passe devant une sorte de commissariat et un policier vous montre du doigt et m'interpelle !

The beautiful walk : 5 297,92 km

Je me rends, je lève les mains et ils éclatent de rire. Puis un homme en costume vient me parler. En fait je suis ici dans le Hollywood de l'Iran et je tombe à pic. Ils ont besoin d'un occidental pour un rôle court mais important ! J'accepte avec plaisir le rôle et je passe une journée sous les caméras. Quelle aventure !

Le producteur me récompense, me remercie et m'informe que le film sortira bientôt.

Shahriar

Les maisons sur les cotés de la route ne discontinuent pas...et au loin, bien sûr, Teheran se dresse au pied des montagnes. La ville de Shariar, autrefois indépendante, s'est muée en une vaste artère orientée entre le géant Teheran et le colosse Karaj - une grande avenue plantée d'arbres contre laquelle se pressent des habitations. 

J'y arrive et la nuit tombe, une forme de silence aussi. Les gens ne sont plus là, et il fait même un peu froid (nous sommes en altitude).

The beautiful walk : 5 280,49 km

Je cherche un hôtel. Je trouve des boutiques, quelques commerces (fermés), un cinéma (fermés) mais pas d’hôtel. Mais à croire que Shariar est une cité dortoir ! J'erre des heurs et suis bien forcé, dans le froid, de poursuivre ma remontée de l'avenue infinie vers la capitale... Pfffff, je ne passe pas un excellent moment.

Karaj

Je longe un grand lac magnifique, entouré de hautes montagnes, et je vois déjà au loin poindre de grands immeubles : la mégalopole de Teheran, la capitale, s'étend sur près de deux cent kilomètres et la ville autonome, populeuse, de Karaj fait désormais partie du ruban urbain qu'il me faudra des semaines à traverser. Le silence du désert va me manquer, les nuits froides, moins...

Trois bâtiments attirent particulièrement mon attention : le Palais de Perle Kakh-e Morvarid a un nom bien tentant...également, une colline absolument nue en dehors de la ville est indiquée par un panneau que je n'arrive pas à déchiffrer. Un grand bâtiment porte également le signe "Pars Khodro" et semble attirer une foule de gens.

The beautiful walk : 5 255,74 km

Je pénètre dans le Pars Khodo. Devant le bâtiment je vois... Une renault 5 neuve. Etrange. Je me mêle à la foule et je comprends ce qu'est le Pars Khodo : Une usine automobile, appartenant à Renault - Nissan ! Et ces gens ne sont pas touristes mais des ouvriers ! Evidemment on me repère avec mon look étrange et je suis attrapé, interrogé assez rudement, suspecté d'espionnage industriel. Heureusement un compatriote me tire de cette situation impossible rapidement !!

Eshtehard

Depuis la route de bitume, poussiéreuse, la ville d'Eshtehard, moderne, se dresse : industries, hopitaux (avec même un hélipad) et universités démontre que si l'Iran est un pays millénaire, il est bien ancré dans le présent ! J'ai beaucoup de kilomètres dans les jambes et c'est l'occasion de faire une pause, même si je pense que le tourisme dans une zone industriel doit être limité. Un fleuve, du nom de "la rivière salée" coule aussi depuis la ville, et une barrière colorée le longe. 

Une autre option est aussi de contourner la ville vers le nord, où serpente un sentier de terre.

The beautiful walk : 5 193,57 km

Alors que je m'approche de la rivière, je comprends le pourquoi de la barrière colorée : C'est une banderole de sécurité m'interdisant d'aller plus loin. La rivière est hélas hautement polluée par les industries environnantes et l'odeur est insoutenable. Je longe un peu et je manque de basculer dans l'eau quand une berge s'effrite !  Bon, je m'éloigne en espérant que la prochaine étape sera plus intéresssante

Buin Zahra

De petites fermes de pistaches et de fruits, assez modernes, me font oublier l'ancienneté du village aux chiens que je viens de quitter. Me voici à Buin Zahra, un joli petit village agricole, et, au centre de la place, je tente de déchiffrer une pancarte pour savoir si je vais trouver un hôtel. La terre tremble. La terre tremble vraiment très fort et je suis jeté à terre ! Une faille s'ouvre au sol et un bâtiment commence à s'écrouler devant moi ! Un tremblement de terre ! J'entends des cris aux alentours !

The beautiful walk : 5 167,96 km

J'avise un portique de pierre très ancien, peut-être un voussoir de pont antique et je me jette dessous. S'il a survécu à des centaines d'années de tremblement de terre, il tiendra bien aussi encore. C'est un pari avisé : une maison s'effondre à mes cotés, mais je m'en sorts avec une petite frayeur. Quelle aventure !

Sagz Abad

Après une longue route sur un sentier de terre, j'aborde une petite ville faite de fermes rassemblées qui se pressent au pied de grandes collines de poussière. Certaines sont abandonnées...le lieu n'est pas sinistre mais je sens que la solitude du désert gagne sur l'endroit, pourtant très ancien. Je fais une pause assis sur un rocher et des chiens viennent errer autour de moi. Sagz Abad, après tout, signifie "le village des chiens" en persan !

The beautiful walk : 5 158,57 km

Je vais vers une stèle ancienne. La stèle oubliée repose en bordure du village, elle est vieille de plusieurs siècle..... Brisée en deux, je retire la poussière et je vois des caractères latins ! Malheureusement, l'écriture est en latin (médiéval) qui reste hors de ma portée. Je suis sur le point d'abandonner quand deux mots attirent mon regard : Marco Polo. Incroyable !! Le grand explorateur est donc passé par ce village il y a des siècles ? Au bas de la stèle se trouve une inscription qui pourrait être une carte. J'en fais une copie au cas où.

Esfarvarin

La pluie tombe dru sur les vignes qui m'entourent. Au loin, je vois se dessiner le village d'Esfavarin, mais un peu plus au sud se dresse une étrange colline percée d'un trou. Une pancarte avec un avertissement écrit en gros (mais en persan) se dresse devant l'entrée, ne vous indiquant pas grand chose sur son contenu.

The beautiful walk : 5 120,76 km

Je me réfugie dans le trou de la colline. Alors que la pluie tombe de plus en plus fort, j'entre dans l'ouverture de la colline. Ouf ! Je suis à l'abri, cet endroit est très ancien... Recouvert de poussière, le vent m'invite à aller plus à l'intérieur. Et je découvre par hasard .. Des tombes souterraines ! Je trébuche de peur et je tombe sur un vieux manuscrit en persan que je ramasse... Je reviens vite. Tremblant de froid et de peur, vers l'entrée, attendant que le plus passe. Joli manuscrit... Dommage que je puisse pas le lire

Takestan

Je traverse encore, sur près de cinquante kilomètres d'affilée, des immenses champs de vigne...et alors surgit des champs Takestan, une ville vieille de 7000 ans ! De nombreux monuments sont si anciens qu'ils ont été polis par le temps et sont méconnaissables : mais la ville, centrée sur l'agriculture et le vin, s'épanouit parfaitement ; la population est également étonnamment jeune.

Après l'interminable traversée des vignes, Je refais le plein de provisions.

The beautiful walk : 5 106,26 km

Je décide de m'approcher d'un point d'eau au centre de la ville. Personne ne vient puiser l'eau ici.... Mais je comprends rapidement : C'est une source chaude ! Malheureusement, je ne peux pas m'y baigner car le lieu reste en plein milieu d'une ville... La chaleur apaisante reste pourtant très tentante. Peut-être aurais je l'occasion de prendre un bain plus tard !!!

Khorramdarreh

Cette grosse ville semble se presser contre un grand complexe industriel du nom de Minoo. Je vois de nombreuses publicités montrant des bonbons, du chocolat, des produits pharmaceutiques, des avocats...tant qu'à traverser la ville, je peux longer l'une des branches du groupe. 

The beautiful walk : 5 061,02 km

Je choisis bien entendu le chocolat. Je me présente curieusement et on me céde un morceau de chocolat Minoo. Ce n'est pas très bon : il est adapté au goût Iranien, très sucré et faible en cacao avec des composants exotiques spéciaux. Je fais un pâle sourire, mais ce chocolat n'est pas trop à mon goût. Tant pis !!!

Sain Qaleh

Avant d'atteindre cette grande ville de 30 000 âmes, je longe des amandiers en fleurs et des vergers lourds de fruits, qui contrastent avec le désert qui a marqué ma longue marche. La ville, relativement moderne, s'allonge dans l'ombre d'un château antique perché sur une roche, nommé le château Sayyn. 

Sur le toit de la forteresse, d'immenses miroirs reflètent le soleil et m'aveuglent parfois. Alors que je fais mes courses, un habitant qui baragouine l'anglais m'indique que l'endroit est surtout connu pour ses vignes et un vin excellent, prisé jusqu'en France (ce qui m'étonne naturellement).

The beautiful walk : 5 037,12 km

J'explore le château. Je donne quelques pièces à une guide et celle-ci me parle, pas très clairement, de l'histoire du château. Le mystère des miroirs m'est révélé : il y a des milliers d'années, il y avait de nombreux palais comme le château Sayyn en Iran et ils communiquaient de l'un à l'autre en s'envoyant des messages lumineux par miroir. Je suis très impressionné de ce télégraphe optique avant l'heure !

Amidabad

Amidabad est une petite ville cernée de grands champs hérissés d'étranges fleurs violettes. Sur le coté, des hommes et des femmes avec des chapeaux les récoltent précieusement. Les fleurs ne sont pas très belles pourtant...La ville est l'occasion d'une petite halte.

The beautiful walk : 5 023,11 km

Je m'approche d'un champ et je cueille une fleur. Aussitôt, on me pousse au sol et on me reprends la fleur. Un agent des forces de l'ordre accourt et me menace de son arme. Alors que je suis perdu, mais qu'est ce qui se passe ??? Devant mon air étonné, et après m'avoir sermonné, on m'explique quand même : Ces fleurs produisent l'or rouge, une variété de safran iranien qui serait la meilleure du monde. Et donc, la plus chère. J'avais une fortune dans les mains. Quelle histoire....

Qarahbolagh

Après une petite marche sur une route traversant le désert de roches froides, j'arrive dans le petit hameau de Qarah Bolagh, entouré de petites collines. Des fanions colorés volent au vent et on a fait une sorte de petite fête. Après m'avoir regardé avec circonspection, on m'offre du Doogh, une sorte de lait fermenté bizarre au goût (je me retiens de ne rien cracher sous la surprise). C'est la fête du Mehregan, un jour spécial en Iran dédié à l'amour de son prochain ! Tout un programme...

The beautiful walk : 5 003,30 km

En cadeau du repas, j'en fait un autre : le coq sacré de la ville de Durdevac, je baragouine le fait que le coq soit sacré et j'ignore s'il terminera vénéré ou dans une casserole, mais les habitants apprécient énormément ma générosité et la symbolique de mon geste. Je suis honoré et on prie pour la sécurité de mon voyage !

Zanjan

Après une marche interminable, je découvre depuis mon désert, Zanjan. Une ville immense, populeuse d'un demi million d'habitants.

Les industries les plus avancées et lourdes côtoient les fabricants de tapis, les bases militaires font face aux universités les plus pointues. Zanjan est aussi une ville propre, avec de nombreux bâtiments touristiques entretenus, et heureuse : on dit que c'est la ville la plus joyeuse de l'Iran. Par ailleurs, la ville est jumelée avec un autre lieu qui ne m'est pas inconnu : Trabzon en Turquie, que j'ai déjà traversé.

Après tant de jours, de semaines dans le désert, je suis heureux de me délasser dans un des nombreux cafés.

Avant de repartir, je me dis que ce ne serait pas mal de visiter quelque chose...

The beautiful walk : 4 974,66 km

Enfin l'occasion de prendre un bon repas ! Malheureusement, je déchante : l'Auberge de Pierre est juste un bâtiment historique très ancien que je peux visiter, le ventre creux, j'admire quand même les pierres en songeant aux assiettes de riz et de viande hachée que j'aurais pu avaler. La prochaine fois ?

Rivière Qezel Ozan

C'est le début d'une immense marche dans le désert...la plus longue étape depuis longtemps. Je marche sur un sentier bordé de coquelicots et puis je rencontre un paysage fantastique : une rivière d'un bleu pur reflétant le ciel et ses nuages, et au delà, des collines de terre brune et jaune ; tout est fortement coloré comme dans un tableau. C'est tout simplement magnifique. 

Mon chemin est au sud...mais au nord, je vois au très loin des sortes de colonnes...un temple oublié ? Aucun sentier pourtant ne mène là bas.

The beautiful walk : 4 895,93 km

Je vais au Nord. La route est longue, mais ces colonnes m'intriguent. Arrivé sur place j'ai le fin mot de l'histoire. Il s'agit de "cheminées de fées", bien que dans ce pays on les nomme "tuyaux de djinn", c'est une formation rocheuse extraordinaire, mais me voilà loin de tour. La nuit tombe et il commence à faire froid. Je reprends la route dans le noir de plus en plus complet alors que les bêtes féroces hurlent dans l’obscurité... C'est un moment très désagréable.